21 septembre 2016
Juste la fin du monde
Résumé de l’histoire
Louis est un artiste qui va être bientôt emporté par la maladie. Après douze ans d’absence, il décide de réunir sa famille le temps d’un après-midi. Emporté par la mélancolie et la nostalgie, il cherche le bon moment pour annoncer sa mort prochaine.
Les têtes d’affiche
Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Marion Cotillard
Réalisateur
Xavier Dolan
Scénariste
Xavier Dolan
Compositeur
Gabriel Yared
Nationalité
Canadienne, Française
Production
Nancy Grant, Xavier Dolan, Sylvain Corbeil, Nathanaël Karmitz, Elisha Karmitz, Michel Merkt, Patrick Roy
La critique
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Et surtout
Bonne Séance
Le film est un traité clinique de la folie familiale, une saisissante coupe in vivo de l’égarement de l’amour.
Le Monde
La mise en scène de Xavier Dolan filme l’hystérie de l’urgence à dire les choses par des gros plans sur les visages des acteurs, une nouvelle fois incroyablement dirigés.
CNews
Un bel exercice formel nourri par une brochette de comédiens dont les costards de star ne nuisent jamais au propos.
L’Express
Une brève introduction sur Xavier Dolan
Xavier Dolan a su se faire remarquer très tôt en tant que réalisateur dès son tout premier long métrage : J’ai tué ma mère de 2009. Chacun de ses films révèlent que le réalisateur a vraiment un style et que l’on peut le reconnaître à travers ses différentes œuvres, comme il est possible de reconnaitre de grands réalisateurs comme Stanley Kubrick, David Fincher ou encore Guillermo Del Toro. Son film Juste la fin du monde de 2016 inspiré de la pièce de théâtre du même nom de Jean-Luc Lagarce en 1990, n’échappe pas à la règle. Ce réalisateur se démarque dans sa façon de vouloir saisir l’instant et les émotions des personnages en jouant à la fois sur le cadre, le champ et surtout l’expression et les gestes de ses acteurs. On est à même de pouvoir ressentir et comprendre chacun des personnages qui figurent dans ses films. C’est un cinéma orienté sur la psychologie et la compréhension de l’autre. Ses personnages ne sont pas là forcément pour plaire, ils sont avant tout là pour raconter une histoire authentique. Que ce soit dans Mommy ou dans Juste la fin du monde, chacun des personnages sont approchés par leurs défauts qui les rendent plus vrai au spectateur. C’est souvent dans l’avancée du film que l’on finit par comprendre chacun d’eux et que l’on accepte leur propre vérité. Le cinéma de Xavier Dolan n’est pas manichéen, il n’est pas là pour faire rêver le spectateur, mais plutôt pour le mettre face à une réalité du monde d’aujourd’hui.
La séquence des adieux
La séquence que l’on va étudier se situe à la fin du film. Il y a plusieurs développements qui se font dans cette séquence en temps réel. Elle est utile de bien des façons et peut presque résumer à elle seule le film. Vers la fin du film, Antoine vient juste de comprendre pourquoi son frère cadet Louis était venu. Tout cela ne s’exprimera jamais par des mots, ce sont les regards, les gestes et les actions qui parleront d’eux-mêmes. Antoine qui endosse le rôle du père décide de protéger les autres membres de la famille en voulant ramener Louis à l’aéroport avant que les autres comprennent la mort imminente de Louis. C’est à ce moment que la séquence des adieux commence.
Le champ et le hors-champ
Le champ et le hors-champ ne font pratiquement plus qu’un dans cette séquence concernant les personnes unies par le sang dans cette famille. Seule Catherine (la femme d’Antoine) se fait rare et discrète. Il y a une volonté de la part de Xavier Dolan de montrer chaque réaction de la famille en cette séquence qui se veut intense au niveau des émotions de chaque individu. Il est rare d’avoir plus de deux personnes dans le champ de la caméra dans chacun des plans. Par ailleurs, c’est quasiment systématique, mais l’un des membres de la famille sera clair à l’écran alors que les autres paraitront flous, le point de vue de la caméra se focalisant sur une personne en particulier à chaque fois. Elle fait néanmoins exception pour quelques plans où deux personnes ont un échange et sont, pour une fois, sur la même longueur d’onde. Seuls les deux frères partagent parfois le champ de manière visible avec un autre membre de la famille.
Pour le spectateur c’est une séquence qui peut paraitre lente avec des plans qui s’arrêtent longuement sur les personnages, or il y a 90 plans en une seule séquence de 3 minutes 50 secondes. Cela s’explique par le fait que la plupart des plans ne durent qu’une seconde chacun, mais les personnages étant très souvent statique et à leur place, on a le sentiment qu’il y en a beaucoup moins. Au-delà de pouvoir y voir un clin d’œil au théâtre où l’on aurait pu voir à tour de rôle la réaction des comédiens sur scène, le réalisateur arrive par là à nous témoigner de l’incompréhension de chaque membre de la famille par rapport aux autres. Ils ont chacun leur vérité et ils ont chacun une case qui leur a été attribué par leur mère, sans doute après le décès du père. Si on fait attention, toute la famille (excepté Catherine) subit un surcadrage par les éléments de la maison (tableaux, couloirs, murs) qui réduisent leur champ à l’intérieur du plan et montrent à quel point ils sont coincés dans leur rôle imposé. Cela marque aussi le fait qu’ils pensent se connaître, mais finalement ne se sont jamais réellement ouverts les uns aux autres. Ils restent appuyés sur leur propre vérité.
Chaque personnage à sa place
Catherine reste à sa place, mais c’est la seule qui ne connait pas un surcadrage. Elle peut être presque vue comme une spectatrice par moments. Après tout, tout comme le spectateur, elle a fait attention à chaque personnage et elle a compris en observant Louis qu’il était venu pour annoncer sa mort à sa famille. Elle a un rôle plus important dans le film de cette façon. Elle pourrait être vu comme un ange gardien pour Louis avec notamment l’image de l’oiseau qui le symbolise et qu’elle lui offre en attachant une petite décoration sur son verre de vin blanc dans une séquence précédente. C’est ce qui pourrait justifier d’autant plus le fait qu’elle reste à l’écart, à part le fait qu’elle n’a pas de rôle imposé par la mère depuis son enfance.
Pour finir sur cette façon d’inclure les personnages dans un cadre dont ils n’ont pas l’air de pouvoir se défaire, on peut appuyer sur la dualité qui est profondément ancrée entre Antoine et sa sœur Suzanne. Les deux interprètes ne sont pas à leurs premiers échanges dans un film, ils ont notamment été les acteurs à jouer respectivement La Belle et la Bête de Christophe Gans en 2014. Antoine garde encore ce rôle de bête que toute la famille semble lui accorder, alors que Suzanne est comme Belle au début du film et ne voit que l’apparence de son frère sans y voir ce qui se cache derrière son comportement. Suzanne restera toujours dans l’ignorance de la raison de la venue de Louis.
Le rôle de la lumière
La lumière jaune représente sans doute l’élément le plus important et le plus symbolique dans cette séquence. De toute évidence, il s’agit d’une lumière avec un filtre jaune pour qu’elle puisse bien se faire voir et se faire remarquer à l’écran. Pour les besoins de la mise en scène, elle semble provenir de la porte d’entrée. Pourtant sur la séquence précédente on entendait en son d’écran une pluie battante et lorsque Louis est retiré de sa chaise dans le tout premier plan, un éclair se fait entendre et la lumière touche la nuque de Louis à ce moment précis. La lumière pour lui est la représentation de celle qui se trouve à l’autre bout du tunnel. Elle représente sa fin qui l’appelle, celle qui ne saurait tarder, mais aussi le symbole de la fin de sa dernière journée en famille. La lumière représente donc sa mort et sa vérité. La musique de fosse mélancolique s’impose alors au spectateur et semble accompagner les sentiments de Louis. Quant à l’éclair, il semble être un son d’écran qui appuie encore plus les propos de la musique.
La lumière permettra aussi d’identifier à quel moment la mère de Louis va finalement comprendre ce que savent déjà les autres membres de la famille à part Suzanne. Si on ne s’attarde qu’une seule fois sur la séquence, on ne sait peut-être pas à quel moment la mère finit par comprendre ses fils dans leur propre vérité. Mais en identifiant chacun des plans on remarque bien que ce dernier est symbolique. La mère fait face à la lumière jaune et voit enfin la vérité qu’elle ne comprenait pas avant. Le réalisateur donne des indices tout au long de son film pour montrer la vérité de chacun des personnages et à quel moment ils peuvent enfin comprendre celles des autres.
La lumière pour Louis
Par ailleurs, bien que les dialogues aient bien souvent un sens peu profond dans cette séquence, il y a un échange bref entre Antoine et Louis qui agrémente le fait qu’il s’agit de la lumière à l’autre bout du tunnel pour Louis. Son frère ainé va lui demander d’y aller, de partir et Louis va lui répondre par un simple non. Dès que sa réponse tombera, la caméra qui semble être embarquée va se déplacer de la gauche vers la droite et pousse alors la lumière à se remettre derrière Louis. D’une certaine façon, c’était comme si son non lui permettait de gagner du temps, de rejeter la lumière à l’autre bout du tunnel. Cependant à la fin de la séquence, Louis devra de nouveau faire face à la lumière qui finit toujours par le rattraper. Par ailleurs, on peut aussi souligner à quel point Suzanne et Antoine semblent parfois comme à bout de souffle dans cette séquence, symbolisant malgré eux le mal qui rongent leur frère.
La lumière pour Antoine
La lumière n’est pourtant pas qu’un symbole de la fin de Louis. Elle est aussi là pour mettre en lumière la vérité d’Antoine, qui il est réellement, alors que seule Catherine semble, une nouvelle fois le savoir, contrairement aux autres. Le photogramme témoigne bien du fait que la lumière l’englobe également. Elle représente sa vérité, mais aussi ce rôle de père qu’on lui impose et qui l’a incommodé toute sa vie. Malgré tout il continue de tenir ce rôle, surtout auprès de sa sœur Suzanne. S’il semble si brutal au prime abord, c’est qu’il tente au contraire de protéger sa mère et sa sœur pour qu’elles ne comprennent pas que Louis est venu pour leur annoncer son proche décès. Seulement il a dû mal à gérer ce rôle et semble pouvoir avoir des propos sévères, surtout envers sa sœur. Dans ce photogramme on remarque qu’il est bien souvent plus surcadré que les autres membres de sa famille. C’est ici l’image d’un étau qui ne cesse de l’emprisonner dans un rôle qui ne lui convient pas. Par ailleurs, on remarquera que la plupart du temps, lorsqu’il y a un panoramique, il souligne le malaise des personnages face à la scène qui se produit et que chacun essaie de maîtriser à sa façon.
La vérité sur les deux frères
Par rapport à Catherine, on pourra relever le fait que lorsque Antoine empoigne Louis, elle se protège le visage. Il pourrait s’agir d’une allusion au fait qu’Antoine aurait déjà porté la main sur sa femme, mais il semblerait plus juste de penser que cela montre tout simplement qu’elle l’a déjà vu avoir des excès de violence dû au fait qu’il ne sache pas gérer ses émotions. Il est impulsif et il ne sait pas s’exprimer, alors la violence est son recours le plus facile. Dans ce photogramme la lumière est posée sur Antoine, le révélant au reste de sa famille, mais elle s’impose aussi à Louis qui se retrouve de nouveau face à sa dernière menace et l’appel de la mort. C’est aussi l’opportunité pour Antoine de finalement montrer qu’il ne veut plus supporter d’être le père de substitution sur qui on rejette toujours la faute. Il y a une citation qui correspondrait d’ailleurs à Antoine dans cette séquence sur laquelle je vais m’arrêter : « de dos, Alice se détache en quelque sorte d’elle-même en refusant d’être ce que la bonne société attend qu’elle soit. »[1]. Antoine va rentrer dans le champ de chacun des membres de sa famille et s’y impose de dos. Il refuse de continuer ce rôle de père alors que Louis, en image de père absent, garde la bonne image sans avoir dû s’occuper de sa famille comme Antoine a pu le faire. La musique de fosse qui semblait servir Louis et sa fin finit enfin de compte par accompagner Antoine dans ce qu’il éprouve. Cette dernière témoigne que la séquence ne concerne pas seulement Louis, mais les deux frères.
[1] L’analyse de séquences de Laurent Jullier (p.83)
Le fardeau d'Antoine
On finit alors la séquence comme on l’avait commencé avec les deux frères. Le dernier plan avec la caméra embarquée représente le regard de Louis, physiquement il est hors-champ. Le jeune frère apprend à regarder pour la première fois Antoine. Il remarque à quel point ce dernier a pu souffrir du rôle de père qu’on lui a imposé d’autant plus avec son départ. Dans cette séquence Xavier Dolan voulait être au plus près de ses personnages et n’a employé que des plans rapprochés ou des gros plans. Par ailleurs, il semblerait qu’il a utilisé une focale longue pour que l’on se concentre vraiment sur la première personne qui apparaissait dans le champ. Cette séquence parle des deux frères et du rôle de père qu’ils doivent se partager. On pourrait croire au prime abord qu’il ne s’agit que d’une histoire portée sur Louis, mais avec cette séquence on se rends compte à quel point Antoine a une grande place dans cette histoire. Antoine a le rôle du méchant dans sa famille, alors que c’est lui qui est resté et à endosser les responsabilités. Louis finira par comprendre réellement son frère qu’au moment où il sera face à son poing.
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Titulaire du cinéma à la faculté de Rennes II, nous souhaitons continuer d'étudier les films et de les éclaircir pour tout public curieux.